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Au Burkina Faso, une nette baisse de la prévalence du VIH coïncide avec l’évolution vers des comportements sexuels moins risqués

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| DOI: https://doi.org/10.1363/intsexrephea.42.3.159

La prévalence du VIH au Burkina Faso est en baisse nette ces dernières décennies, parallèlement à une évolution vers des pratiques sexuelles à moindres risques, comme le révèle une analyse des données d’enquêtes de surveillance des soins prénatals et en population générale.1 La proportion de femmes enceintes âgées de 15 à 49 ans séropositives a chuté d’environ 70%, dans l’ensemble, entre 1998 et 2014, avec les plus fortes baisses dans les tranches d’âge inférieures. La baisse est également évidente chez les hommes, mais elle est plus marquée dans les tranches d’âge supérieures. Une hausse de la proportion des célibataires, jamais mariés, de 15 à 24 ans qui retardent le début de leur activité sexuelle est en outre observée, de même qu’une diminution de celle ayant eu plusieurs partenaires au cours des 12 derniers mois et qu’une augmentation de l’usage du préservatif lors du dernier rapport avec un(e) partenaire non conjugal(e) ni concubin(e) parmi les 15 à 49 ans ayant de tel(le)s partenaires.

Les chercheurs ont analysé les données de prévalence du VIH de neuf sites de surveillance des soins prénatals au Burkina Faso régulièrement inclus dans le programme de surveillance entre 1998 et 2014 (soit un total annuel de 2 010 à 3 129 femmes enceintes âgées de 15 à 49 ans). Ils ont par ailleurs analysé les données relatives à cette prévalence et aux comportements sexuels de trois enquêtes démographiques et de santé (EDS) menées en 1998–1999, 2003 et 2010 en population générale, principalement parmi des hommes et des femmes âgés de 15 à 49 ans. D’après les données d’EDS, les chercheurs ont évalué cinq indicateurs de comportement sexuel (inexpérience sexuelle parmi les jeunes célibataires (jamais mariés); partenaires multiples durant les 12 derniers mois parmi les jeunes sexuellement actifs; rapports sexuels avec un(e) partenaire non conjugal(e) ni concubin(e) parmi tous les répondants sexuellement actifs; usage du préservatif lors du dernier rapport avec un(e) partenaire non conjugal(e) ni concubin(e) parmi tous les répondants sexuellement actifs ayant de tel(le)s partenaires; et début d’activité sexuelle avant l’âge de 15 ans parmi les jeunes) et deux indicateurs généraux liés au VIH parmi les jeunes (avoir déjà subi un test de dépistage du virus et connaissance d’une source officielle de préservatifs). Ils ont calculé la prévalence du VIH spécifique aux enquêtes et ont procédé par tests chi carré pour la comparer sur les années d’enquête et évaluer les tendances des comportements sexuels.

Les résultats des analyses des données de surveillance des soins prénatals révèlent une baisse spectaculaire de la proportion de femmes enceintes séropositives de 15 à 49 ans au Burkina Faso entre 1998 et 2014, de 72% dans les milieux urbains (où la proportion passe de 7% à 2%) et 75% dans les milieux ruraux (de 2% à moins de 1%). Les plus fortes réductions durant la période de 2007 à 2014 (années pour lesquelles des données spécifiques à l’âge sont disponibles) surviennent parmi les femmes plus jeunes: environ 55% dans la tranche de 15 à 19 ans, 72% dans celle de 20 à 24 ans et 40% dans celle de 25 à 29 ans, par rapport à 7% seulement dans la tranche de 30 ans et plus.

Les analyses des données d’EDS présentent une tendance comparable, côté féminin, entre 2003 et 2010: la prévalence du VIH chute de 89% parmi celles âgées de 15 à 19 ans (de 1% à pratiquement zéro), de 78% parmi celles de 20 à 24 ans (de 2% à moins de 1%) et de 52% parmi celles de 25 à 29 ans (de 3% à 1%), avec un changement minime parmi celles de 30 ans et plus. Côté masculin, la tendance paraît cependant distincte, avec une baisse plus marquée dans les groupes plus âgés: par exemple, la prévalence du VIH tombe de 43% chez les hommes de 15 à 19 ans (de 1% à moins de 1%), mais de 82% parmi ceux âgés de 25 à29 ans (de 3% à moins de 1%).

Durant la même période, la proportion de jeunes déclarant n’avoir jamais eu de rapports sexuels est en hausse. Dans la tranche des 15 à 19 ans, cette proportion augmente côté féminin (de 76% à 82%) aussi bien que masculin (de 74% à 82%); dans celle des 20 à 24 ans, elle augmente pour les femmes (de 33% à 40%) mais reste inchangée pour les hommes (33–34%). De plus, le début de l’activité sexuelle avant l’âge de 15 ans tombe dans la tranche des 15 à 24 ans entre 1998–1999 et 2010, passant de 11% à 9% côté féminin et de 8% à 2% côté masculin. 

Entre 1998–1999 et 2010, la part des femmes sexuellement actives qui avaient eu plus d’un partenaire sexuel durant les 12 derniers mois diminue considérablement dans la tranche des 15 à 19 ans (de 8% à 2%) et un peu moins dans celle des 20 à 24 ans (de 2% à 1%). La tendance est similaire parmi les jeunes hommes, de 44% à 13% dans la tranche des 15 à 19 ans et de 36% à 17% dans celle des 20 à 24 ans. La proportion des femmes sexuellement actives de 15 à 49 ans déclarant avoir eu un rapport sexuel avec un partenaire non conjugal ni concubin durant les 12 derniers mois est faible (environ 8% sur l’ensemble) dans les deux enquêtes; ce comportement est déclaré par environ 30% des femmes âgées de 15 à 19 ans, 10% de celles âgées de 20 à 24 ans et 3% de celles de 25 à 49 ans. En revanche, les rapports sexuels avec une partenaire non conjugale sont pratiquement universels parmi les hommes sexuellement actifs de 15 à 19 ans (94% aux deux points dans le temps); le comportement s’amoindrit dans la tranche des 20 à 24 ans (de 74% à 66%) et dans celle des 25 à 49 ans (de 20% à 17%). Sur l’ensemble des 15 à 49 ans qui avaient eu des rapports sexuels avec un(e) partenaire non conjugal(e) durant les 12 derniers mois écoulés, l’usage du préservatif lors du dernier rapport de ce type augmente côté féminin (de 39% à 59%) comme masculin (de 57% à 74%), de manière considérable d’ailleurs parmi les jeunes femmes (de 39% à 53%) aussi bien que chez les jeunes hommes (de 45% à 68%).

Une hausse considérable des taux de dépistage du VIH est observée chez les hommes de 15 à 49 ans entre 2003 et 2010, de l’ordre de 64 à 67% sur l’ensemble des tranches d’âge; à la fin de cette période, environ un adolescent sur 10 et un homme plus âgé sur quatre avaient subi un test de dépistage au cours de leur vie. De même, approximativement une femme sur quatre dans la tranche des 15 à 24 ans avait subi un test de dépistage du VIH en 2010 (la mesure n’est pas évaluée parmi les répondantes en 2003). Durant cette même période, la connaissance d’une source officielle de préservatifs augmente dans la tranche des 15 à 19 ans, dans une proportion passant de 44% à 73% côté féminin et de 63% à 85% côté masculin. Une hausse considérable est aussi observée dans la tranche des 20 à 24 ans, chez les femmes (de 50% à 80%) comme chez les hommes (de 83% à 97%).

Comme le reconnaissent les chercheurs, les limites de l’étude tiennent à l’influence potentielle du biais de désirabilité concernant la déclaration des comportements à risques, au fait que les femmes enceintes diffèrent de la population générale et à la possibilité d’affectation des données d’EDS par l’absence de réponse ou l’exclusion des individus présentant le plus haut risque. Les chercheurs n’en maintiennent pas moins que les tendances temporelles observées laissent entendre que les initiatives entreprises au Burkina Faso pour réduire les comportements à risques propices à la contraction du VIH — selon des approches de campagnes médiatiques nationales et d’activités dans les écoles et sur les lieux du travail — pourraient bien produire l’impact attendu et contribuer donc à l’amoindrissement de la transmission virale. Et de conclure: « Les résultats sont particulièrement encourageants parmi les jeunes femmes; de plus rigoureuses interventions à l’adresse des jeunes hommes sont requises pour renforcer l’endiguement de l’épidémie du VIH au Burkina Faso ».—S. London
 

Référence

1. Kirakoya-Samadoulougou F et al., Declining HIV prevalence in parallel with safer sex behaviors in Burkina Faso: evidence from surveillance and population-based surveys, Global Health: Science and Practice, 2016, 4(2):326–335.