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Les programmes de vaccination anti-VPH n’atteignent pas les jeunes populations féminines des pays à revenu faible

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D’après une estimation mondiale de la couverture de la vaccination anti-VPH, les programmes subventionnés par l’État ont, dans l’ensemble, assuré la vaccination de nombreuses jeunes femmes dans le monde, mais une grande partie des plus vulnérables aux affections associées au virus sont cependant laissées pour compte.1 Fin 2014, quelque 47 millions de femmes avaient reçu la série complète du vaccin anti-VPH à travers ces programmes, soit une couverture d’environ 1% de la population féminine totale et 6% de celle âgée de 10 à 20 ans à l’échelle mondiale. La couverture parmi les 10 à 20 ans est cependant 10 fois supérieure dans les régions plus développées (34% par rapport à 3% dans les moins développées). De plus, les projections de cancer donnent à penser que, malgré une vaccination inférieure, dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, à la moitié de celle atteinte dans les pays à haut revenu (13 millions par rapport à 32 millions de femmes vaccinées), l’impact en sera plus grand dans les premiers (178 192 cas de cancer du col utérin évités avant l’âge de 75 ans par rapport à 165 033 dans les seconds).

Les chercheurs ont procédé à un examen systématique de la documentation et des sites web officiels, fin 2014, afin d’identifier les programmes de vaccination anti-VPH actifs dans le monde. Ils ont évalué les caractéristiques de chaque programme (année d’introduction, âges ciblés et calendrier de vaccination) et obtenu les taux de couverture en fonction de l’âge. Ils ont ensuite converti les taux de couverture en taux spécifiques aux cohortes de naissance et ont appliqué ces derniers aux estimations de population mondiales et aux projections de cas et de mortalité du cancer du col utérin avant l’âge de 75 ans. Des estimations ont été produites pour chaque pays individuel et par regroupement en fonction du niveau de revenu et de l’état de développement, avec stratification par tranche d’âge. Les analyses ont supposé une efficacité vaccinale de 70% de prévention des infections par le VPH (soit 100% d’efficacité contre les types VPH 16 et 18, responsables de 70% des cas de cancer du col utérin dans le monde).

Entre juin 2006 et octobre 2014, 64 pays, au total, ont mis en œuvre un programme national de vaccination anti-VPH et quatre, des programmes infranationaux. Douze territoires d’outre-mer ont également entrepris de tels programmes. Pour la majorité des programmes de vaccination, le groupe d’âge visé était les filles de 12 ans (72%) et le vaccin était délivré dans les écoles (68%). Collectivement, les programmes ciblaient un nombre estimé à 118 millions de filles et de femmes âgées de 9 à 45 ans pour vaccination anti-VPH primaire ou de rattrapage entre 2006 et 2014. Ce nombre représente environ 4% de la population féminine totale du monde, 9% de celle âgée de 15 à 26 ans et 12% de celle âgée de 10 à 14 ans. Cependant, 18% seulement des femmes ciblées vivaient dans les régions moins développées.

Au total, 47 millions avaient reçu la série complète de trois doses du vaccin avant la fin de l’année 2014, soit une couverture d’environ 1% de la population féminine totale du monde, 6% de celle âgée de 10 à 20 ans et 40% de celle ciblée par les programmes mis en œuvre. Dans l’ensemble, 59 millions de femmes avaient reçu au moins une dose du vaccin, soit une couverture d’environ 2% de la population féminine totale, 8% de celle âgée de 10 à 20 ans et 50% de celle ciblée.

Presque toutes les femmes pleinement vaccinées étaient originaires de pays à revenu élevé (68%) ou intermédiaire de la tranche supérieure (28%), d’Amérique latine principalement pour ces derniers. Trois pour cent seulement — soit environ un million de femmes — venaient de pays à revenu faible ou intermédiaire de la tranche inférieure. Qui plus est, la proportion de jeunes femmes âgées de 10 à 20 ans, globalement, qui avaient reçu la série complète du vaccin dans les régions plus développées était nettement supérieure à celle des régions moins développées (34% par rapport à 3%). Parmi les 10 à 29 ans, les taux spécifiques à l’âge de couverture vaccinale complète sont supérieurs en Europe du Nord et en Australie et Nouvelle-Zélande aux niveaux relevés dans les autres régions du monde. Dans les deux régions, le taux le plus élevé (69%) est observé dans la tranche d’âge de 15 à 19 ans. Par contre, en Amérique centrale, Amérique du Sud et Afrique australe, la couverture concerne principalement la tranche de 10 à 14 ans (18% à 40%). Toutes tranches d’âge combinées, l’Océanie présente la couverture la plus élevée (17% en Australie et Nouvelle-Zélande et 10% en Micronésie).

Les projections de cancer donnent à penser que, parmi les 47 millions de femmes pleinement vaccinées dans le monde, 379 000 cas de cancer du col utérin et 156 000 décès imputables à la maladie seront évités avant l’âge de 75 ans. Bien que les femmes vaccinées dans les pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure représentent moins de la moitié de celles couvertes dans les pays à haut revenu (13 millions par rapport à 32 millions), le nombre de cas de cancer du col utérin évités dans les premiers devrait être de 8% supérieur (178 192 cas par rapport à 165 033).

De l’avis des auteurs, les observations de l’étude indiquent un progrès de la vaccination anti-VPH dans la population féminine mondiale. Elles révèlent cependant aussi un accès à la vaccination pratiquement inexistant dans les pays plus démunis, d’Afrique et d’Asie surtout, qui abritent pourtant la plupart de la population du monde et, notamment, des populations extrêmement vulnérables au risque de développement du cancer du col utérin et d’autres maladies liées au virus. Les auteurs font remarquer que le coût abordable du vaccin et les stratégies d’introduction méritent d’être considérés dans ces contextes, avec, « crucialement peut-être », considération éventuelle d’une série à doses réduites. Les auteurs reconnaissent, parmi les limites de l’étude, les données manquantes et le recours aux cohortes de naissance pour l’estimation de la couverture. Ils concluent qu’un « déploiement rapide du vaccin dans les pays à revenu faible et intermédiaire pourrait être le seul moyen réalisable de réduire les inégalités actuelles de la charge et de la prévention du cancer du col utérin. »—S. London

 

Référence

1. Bruni L et al., Global estimates of human papillomavirus vaccination coverage by region and income level: a pooled analysis, Lancet Global Health, 2016, 4(7):e453–e463.