L’avortement a risque est frequent au Burkina Faso

De bas niveaux de prévalence contraceptive alimentent des taux élevés de grossesses non intentionnelles

On estime à 105 000 le nombre d’avortements au Burkina Faso en 2012, la vaste majorité d’entre eux ayant été pratiqués dans la clandestinité et dans des conditions à risque qui mettent en danger la santé et la vie des femmes. Ces données proviennent d’un nouveau rapport, Grossesse non désirée et avortement provoqué au Burkina Faso : causes et conséquences , publié aujourd’hui par l’Institut Supérieur des Sciences de la Population (ISSP) de l’université de Ouagadougou et le Guttmacher Institute, basé aux Etats-Unis. Selon ce rapport, 43% des femmes ayant eu recours à un avortement à risque ont subi des complications suffisamment sévères pour nécessiter un traitement, que nombre d’entre elles n’ont pas reçu.

Les chercheurs ont établi que le statut socioéconomique d’une femme détermine largement le type de praticien auquel elle aura recours pour avorter, et par conséquent le niveau de sécurité de cet acte. Les risques sont plus importants pour les femmes rurales pauvres, environ 72% d’entre elles allant soit chez un praticien traditionnel sans formation médicale, soit tentant de mettre fin elles-mêmes à leur grossesse en utilisant des méthodes dangereuses comme les potions, de fortes doses de médicaments ou des produits contenant de l’eau de javel ou de la lessive. Le contraste par rapport aux femmes aisées vivant en ville est saisissant, puisque 74% d’entre elles ont recours à du personnel médical formé : médecins (26%), agents de santé (25%) ou sages-femmes et autres accoucheurs qualifiés (23%).

"Sans surprise, nous avons constaté que c’étaient les femmes pauvres vivant en milieu rural qui étaient les plus susceptibles d’être blessées, parfois gravement, suite à des avortements clandestins. Ces femmes sont également les moins susceptibles de recevoir les soins médicaux dont elles ont besoin pour prendre en charge leurs complications" , affirme Clémentine Rossier, co-auteure du rapport et chercheure à l’ISSP au moment où l’étude a été conduite.

Environ 46% des femmes pauvres en milieu rural ayant avorté ont subi des complications et 41% de ces complications sont restées non traitées. La situation des femmes non pauvres en milieu urbain s’est révélée notablement différente : 23% ont subi des complications et plus de 90% de celles-ci ont reçu les soins médicaux dont elles avaient besoin.

Alors que les femmes rurales sont plus susceptibles de subir des complications liées à un avortement à risque que les femmes urbaines, elles sont moins susceptibles d’avoir recours à un avortement. En zone rurale, le taux global d’avortement est de 22 pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, alors qu’en zone urbaine, il est de 34 pour 1 000. Le recours à l’avortement est plus répandu parmi les femmes vivant en ville qui sont jeunes, non mariées et qui ont achevé le cycle scolaire secondaire.

Cependant, indépendamment d’où elles vivent, la vaste majorité des femmes décident de mettre fin à leur grossesse pour la même raison : elles se retrouvent face à une grossesse non intentionnelle. On estime que 32% de toutes les grossesses au Burkina Faso sont non intentionnelles, c’est-à-dire soit survenues à un mauvais moment soit complètement non désirées, et qu’un tiers de ces grossesses non intentionnelles se terminent par un avortement.

Ce niveau élevé de grossesses non intentionnelles est une conséquence d’un faible niveau d’utilisation des méthodes contraceptives. Seulement 15% des femmes mariées burkinabè utilisent une méthode moderne de contraception. En 2010, 24% des femmes mariées en âge de procréer affirmaient qu’elles ne souhaitaient pas d’enfants (ou d’autres enfants) dans un futur proche ou dans l’absolu. Cependant, elles n’utilisaient pas pour autant de méthode contraceptive. Chez les jeunes femmes non mariées actives sexuellement, 40% ont un besoin de contraception non- satisfait.

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"Les programmes de planification familiale ont besoin d’être renforcés afin que toutes les femmes puissent plus facilement planifier la survenue et l’espacement de leurs grossesses. Cela réduira les grossesses non intentionnelles, et par conséquent le besoin d’avorter", note Akinrinola Bankole du Guttmacher Institute. Dans le même temps, améliorer l’accès à des soins post-avortement de haute qualité, particulièrement en zone rurale, relève d’un besoin crucial pour réduire la morbi-mortalité maternelle au Burkina Faso.

L’étude recommande également que des efforts soient faits pour promouvoir la connaissance des lois burkinabè auprès des femmes, des communautés et des professionnels de santé afin que les femmes burkinabè éligibles à un avortement légal puissent effectivement avoir accès à des services adaptés. L’avortement au Burkina Faso est légal pour sauver la vie ou protéger la santé des femmes, en cas de viol, d’inceste ou encore de malformation fœtale, cependant la loi est peu connue.

Ressources supplémentaires:

Executive Summary in English: Unintended Pregnancy and Abortion in Burkina Faso: Causes and Consequences 
Report in English: Unintended Pregnancy and Induced Abortion In Burkina Faso: Causes and Consequences
Fiche d'information: Avortement au Burkina Faso
Fact Sheet: Abortion in Burkina Faso